Si tu trouves là le rêve sans fond de la vie séculaire,
et des prêtresses des Bacchus à la figure de rose
dansant sur les collines sous la lune,
Et des Dieux qui veulent le coeur d’Homère encore saignant
comme une Messaline aux yeux de feu,
au lieu d’un linceul jette une tunique de pourpre
sur les corps des chevaliers morts d’amour.
Si tu trouves là des nuits de Pompeï,
la grenade des éruptions mûrie sur la Crête
et ce siècle blessé comme Jésus,
pris de l’enfantement d’une aurore nouvelle,
Si tu trouves des coeurs éteints comme des lampes,
le combat du fer et de l’homme,
et, dévoilé, le crime abject né de la boue
tout envieux du sang des roses pures,
Sache bien, mon ami, que mon chant a conté
les douleurs du plaisir et les plaisirs de la douleur
le calice du coeur lorsqu’il s’emplit de vin
voit celui-ci muer en sang de Dieu.
Pense que nul, jamais, ne put tenir du poing
cette bride de mon Pégase dont le regard porte un double soleil,
- et que le croassement funèbre des corbeaux
ne put trancher son élan sans limite.
Pense que toujours le critique est borgne
et que le moraliste sage est un oenuque.
le coeur lourd d’une vie, à l’exacte balance
qui le pourra peser, face à tout l’Univers?
Seul pourra savourer les aliments divins du Songe,
celui qui s’enivra d’encens, de puanteurs.
Celui-là seul est homme que tout pétrit de grâce et d’abjection,
celui-là seul, sacré de larmes.
Traduction Luc André Marcel & G. Poladian (Marseille 1969)
Imprimé à Beyrouth Imprimerie Hamaskaïne (pp101-102)
Soleil